Les Guerres de religion ont ravagé la France dans la seconde partie du XVIème siècle, de 1560 à1598. Elles sont issues de l'émergence d'une nouvelle religion, le Protestantisme, en opposition au Catholicisme.
La ville de Paris, restée majoritairement catholique, a été un acteur déterminant dans ce conflit. La Municipalité a acquis un pouvoir important, en particulier à l'époque de la Ligue (1584-1594).
Au XVème siècle, sous Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Paris n'est plus vraiment la capitale de la France. Le roi vit et gouverne le pays à partir des villes et châteaux du Val de Loire. C'est le roi François I qui engage le retour vers Paris. Outre dans le Val de Loire, le roi réside au Louvre ou à Fontainebleau. Le mouvement est amplifié par son fils Henri II.
Dans les années 1550, Paris compte entre 250 et 300.000 habitants, la vie des habitants se déroule dans le cadre de paroisses dont les curés ont une grande influence sur leurs ouailles. Sur le plan administratif le pouvoir d'ensemble est exercé par la municipalité qui coordonne les seize quartiers de la ville.
La ville est ceinturée de remparts qui la protègent. Le roi vit au Louvre entouré de sa cour. Le château médiéval est progressivement transformé en palais résidentiel par François I et Henri II. Catherine de Médicis commence la construction du Palais des Tuileries.
Afin de comprendre ce qui se passe à Paris à la fin du XVIe siècle, il est nécessaire d'avoir une vue d'ensemble et une description sommaire de la ville. La population est très majoritairement catholique et fortement influencée par les curés des paroisses de la ville.
Paris à la fin du XVIème siècle : vue d'ensemble
La ville est vue du côté sud, en bas la rive gauche, au milieu la Seine et Notre-Dame, en haut, la rive droite. La ville est entourée de murs et la campagne est toute proche, en haut à droite on distingue la Butte Montmartre qui à cette époque est hors les murs.
On repère le Louvre sur la gauche, l'abbaye Saint Germain des Prés, l'église Saint Séverin, la place Maubert , le quartier latin, l'abbaye Sainte Geneviève en bas au centre, la Bastille sur la droite. On est frappé par le nombre de clochers.
La Municipalité de Paris La municipalité de Paris est dirigée par le Prévôt des marchands, il est assisté par quatre Echevins et vingt-quatre conseillers de la ville. Le petit bureau, organe exécutif de premier niveau, est composé du Prévôt et des Echevins. Le grand bureau inclut les conseillers. Les assemblées générales rassemblent en outre bien d'autres personnes: les délégués du Parlement, de la Chambre des Comptes et de la Cour des Aides, mais aussi ceux des corporations, des collèges, des chapitres et des communautés religieuses, les seize quarteniers avec quatre notables par quartier.
Le Prévôt des marchands et les Echevins sont élus pour deux ans (la moitié chaque année), par une assemblée qui se tient le 16 août, et qui comprend le grand bureau et les 16 quarteniers assistés chacun de deux notables de leur quartier. En pratique le roi essaie bien souvent d'imposer ses candidats.
Les fonctions du prévôt et des échevins sont multiples. Ils nomment et surveillent les officiers de la ville: jurés mesureurs de grains, jaugeurs de vin, , etc. Ils organisent la perception des taxes et gèrent les rentes sur l'Hotel de Ville de Paris. En matière de police, ils supervisent la recherche des étrangers et des armes, ils surveillent les pauvres et organisent des ateliers municipaux pour les faire travailler.
Pendant la Ligue, la municipalité parisienne est dotée de pouvoirs supplémentaires importants qui lui donnent une grande autonomie. Les partisans des rois Henri III et Henri IV seront les premières victimes des rigueurs de la municipalité.
Les Quartiers de Paris A cette époque la ville est divisée en 16 quartiers. Surla rive gauche se trouvent Sainte Geneviève et Saint Séverin. Notre-Dame est dans l'Ile de la Cité. Enfin, sur la rive droite, Saint Esprit, Saint Jean en Grève, Saint Gervais, Saint Antoine, le Temple, Saint Martin, Sépulcre, Saint Jacques de l'Hôpital, Saint Eustache, Saint Honoré, Saint Germain l'Auxerrois, Saint Jacques la Boucherie, les Saints Innocents.
Quatre de ces quartiers ont des faubourgs : le faubourg Saint Marcel au sud du quartier Sainte Geneviève, le faubourg Saint-Germain et Saint Jacques au sud du quartier Saint Séverin, le faubourg Saint Honoré au quartier du même nom, le faubourg Saint Victor au quartier du Saint-Esprit.
Pendant la Ligue, pour plus d'efficacité militaire, les quartiers sont regroupés en 3 ensembles. Sur la rive gauche et dans l'Ile de la Cité, le quartier des Ponts, Cité et Université comprend Saint Jacques la Boucherie, Saint Germain l'Auxerrois, Notre-Dame, Saint Séverin et Sainte Geneviève. Sur la rive droite, on distingue le quartier des Halles avec Saint Eustache, St-Jacques de l'Hôpital, les Saints Innocents, Sépulcre, Saint Honoré, d'une part et le quartier de Grève avec Saint Martin, le Temple, Saint Jean, Saint Antoine, Saint Esprit d'autre part.
Les quartiers et faubourgs sont divisés en dizaines. Une dizaine comprend une rue, ou une portion de rue, parfois deux portions de plusieurs rues. En 1585, on dénombre environ 150 dizaines. Chaque quartier est dirigé par un quartenier et chaque dizaine par un dizenier. Deux cinquanteniers assistent les quarteniers, ils n'ont pas une responsabilité géographique précise. Les fonctions du quartenier sont trés diverses et ils bénéficient d'un grand prestige auprés des habitants. Au plan fiscal, ils sont chargés de répartir et de lever les taxes ordinaires (taxe des fortifications) et extraordinaires (emprunts forcés) ainsi que de faire vérifier leurs registres par la chambre des comptes. Au plan économique et social, ils effectuent la distribution du blé en cas de disette. Ils ont aussi des fonctions de police: ils perquisitionnent et sont les agents de renseignement de la municipalité. Au niveau supérieur, les colonels et capitaines jouent un rôle important à la fin du XVIème siècle, c'est eux qui font le rassemblement de la milice, supervisent le guet et la garde des points stratégiques, ils recherchent les armes, les étrangers.
Les quarteniers et dizeniers sont normalement élus suivant un mode d'élection à deux degrés. En pratique, ce sont les notables du quartier qui désignent leurs candidats. A l'usage, ces charges sont devenues des offices héréditaires et transmissibles. Les capitaines et colonels, qui contrôlent la milice parisienne, sont normalement désignés par les notables.
Dizeniers, quarteniers, colonels et capitaines constituent un groupe social homogène issu des marchands riches et des bourgeois de Paris. Dans les années 1580, le roi Henri III a parfois effectué des nominations d'office à ces postes importants.
Paris à la fin du XVIème siècle : l'ile de la cité vue du côté ouest
Cette seconde gravure est une vue de l'ile de la cité prise du côté ouest, on constate la densité des habitations y compris sur les ponts. Au premier plan le pont-neuf est en construction, il a été commencé en 1578, sur le côté gauche, en bas, le Louvre. etc …
Le massacre de la Saint Barthélémy est l'épisode le plus sombre des Guerres de religion qui ont marqué la France de 1560 à 1598. Il a commencé à Paris, tôt dans la matinée du 24 août 1572.
Le contexte politique en 1572 A l'automne 1571, Coligny fait son entrée au Conseil Royal mais il est en minorité vis à vis des catholiques de ce conseil qui sont conduits par les Guise. Deux sujets sont au coeur des préoccupations politiques: le premier est une éventuelle intervention de l'armée royale aux Pays-Bas pour soutenir la révolte contre Philippe II d'Espagne, le second est le mariage de Henri de Bourbon-Vendôme.
En avril 1572, la rebellion des nobles et bourgeois des Pays-Bas contre les Espagnols franchit un nouveau degré, la résistance armée s'organise, elle est dirigée par Guillaume d'Orange. Coligny souhaite l'intervention de l'armée du roi de France pour soutenir les rebelles (ce sont des Calvinistes). Déjà des nobles protestants français participent à la lutte contre les Espagnols.
Mais les Catholiques zélés, en particulier la petite bourgeoisie des villes, voient d'un trés mauvais oeil ces demandes d'intervention. D'autant que les Espagnols viennent de vaincre la flotte turque à Lépante (en 1571) et le prestige de Philippe II est grand dans les milieux catholiques. Ceux-ci se regroupent de plus en plus derrière le jeune duc Henri de Guise, qui est le leader incontesté du parti catholique.
Le mariage de Henri de Bourbon et de Marguerite de Valois Au plan intérieur, Charles IX et Catherine de Médicis veulent réconcilier les Bourbon avec la famille royale et obtenir ainsi une paix durable. Ils négocient avec Jeanne d'Albret le mariage de Marguerite de Valois, soeur du roi, et de Henri de Bourbon, fils de Jeanne. Le mariage a lieu à Paris le 18 août 1572, au milieu de grandes fêtes. De nombreux Protestants, dont les principaux chefs, sont venus à Paris pour participer à cet évènement et aux fêtes. Paris est alors aux mains des Catholiques extrémistes, les habitants sont influencés par des prédicateurs virulents, ils voient d'un mauvais oeil ce mariage entre la soeur du roi et un prince Huguenot, donc hérétique. La présence de nombreux Protestants est mal percue par la population. La situation devient donc explosive dans la ville.
La cérémonie du mariage est complexe en raison de la différence de religion. L'échange des consentements s'est effectué en public, à l'extérieur de Notre-Dame. Henri n'a pas participé à la messe, il se tenait à part dans le transept. Ce compromis permettait à la fois de ne pas heurter les habitants, stationés à l'extérieur de la cathédrale, tout en étant compatible avec la religion de chacun. Les fêtes, bals, banquets, ont duré sur plusieurs jours et le luxe déployé pour les noces rappelle surtout, au peuple de Paris, les multiples taxes levées par le pouvoir royal. De nombreux membres du Parlement de Paris, catholiques zélés, évitent les cérémonies officielles.
L'attentat contre Coligny Le 22 août, en fin de matinée, Coligny quitte le Louvre et se rend à pied à son hôtel, rue de Béthisy (actuellement rue de Rivoli). Prés de celui-ci, il est victime d'une tentative d'assassinat, il est blessé par deux coups d'arquebuse mais il peut se réfugier chez lui. L'auteur de cet attentat est un capitaine gascon, Nicolas de Louviers, sire de Maurevert, un partisan des Guise. Charles IX se rend au chevet de Coligny, qui lui demande de ne pas chercher à le venger, pour autant une enquête rapide fait suspecter les Guise.
Les Protestants crient vengeance et réclame justice de cet attentat. Charles IX et Catherine de Médicis sont d'abord désemparés, ils craignent d'être débordés par les Catholiques extrémistes. L'après midi du 23 août, Catherine, son fils Henri d'Anjou et quelques fidèles tiennent une réunion d'urgence aux Tuileries pour évaluer la situation. En soirée, un conseil dramatique se tient chez le roi, au final, celui-ci se range à l'avis de Catherine de Médicis et de son frère Henri d'Anjou, il décide d'exterminer les chefs Protestants qui séjournent à Paris, à l'exception des princes du sang Henri de Bourbon et Henri de Condé. Ils en attendent un affaiblissement durable du parti Réformé et donc une poursuite de la paix.
C'est le Massacre de la Saint Barthélémy du 24 août 1572, ce jour, fête de la Saint Barthélemy, à 3 heures du matin, le carillon de l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, en face du Louvre, sonne le tocsin.
C'est le signal qui déclenche les massacres. L'opération est confiée aux gardes du roi et aux gardes des Guises. Coligny est d'abord assassiné dans son hôtel de la rue de Béthisy, son cadavre jeté dans la rue (cf tableau ci-contre). Puis la tuerie se poursuit au Louvre même. Le roi et sa mère font appel à la milice parisienne, qui est trés opposée aux Huguenots, son zèle a un effet d'entrainement sur le peuple. Les gardes et les miliciens, continuent le massacre dans le quartier de Saint-Germain l'Auxerrois. Plus de deux cents nobles huguenots venus pour assister aux noces d'Henri de Bourbon sont tués et leurs cadavres sont entassés dans la cour du Louvre. L'ancien prévôt des marchands Claude Marcel, un partisan des Guise, et ses hommes de main, poursuivent la tuerie. Ils multiplient les assassinats sauvages choisissant eux-mêmes les victimes. Les témoignages de l'époque évoquent tous la fureur des activistes qui s'avère vite incontrôlable.
Pendant plusieurs jours, jusqu'au 29 août, des massacres affreux (cf gravure ci-contre) sévissent dans la ville, des pillages accompagnent les meurtres. Ce sont ensuite les villes de province qui prennent le relais: Orléans, Bourges, Toulouse, Bordeaux, Lyon, Angers, Saumur, ... On estime le nombre de victimes de la Saint Barthélémy à plus de 5000 morts dont plus de 2000 à Paris. Seuls Henri de Bourbon et son cousin Henri de Condé sont épargnés, mais ils doivent abjurer le protestantisme et sont retenus prisonniers.
Le 26 août, dans une Déclaration, Charles IX reconnait l'initiative du massacre et dénonce un complot ourdi par l'amiral de Coligny. De nombreux Huguenotsse abjurent et reviennent à la foi catholique, certains résidant au nord de la Loire descendent vers les régions du sud qui leur sont plus favorables, d'autres prennent le chemin de l'étranger, d'abord la Suisse et Genève, mais aussi les Pays-Bas, l'Angleterre, l'Allemagne, ... Les communautés protestantes et le parti huguenot en sortent trés affaiblis, surtout au nord de la Loire.
Le 6 septembre, pour exprimer sa satisfaction, le pape Grégoire XIII fait chanter un Te Deum à Rome. En Espagne, Philippe II fait également chanter un Te Deum.
Tableau de François Dubois montrant le Massacre de la Saint Barthélémy (Musée du Louvre)
En haut, à gauche, Catherine de Médicis, en noir, contemple des cadavres nus, près de la porte du Louvre.
Sur la droite, le duc de Guise contemple Coligny qui gît, mort.
Affaiblissement de la Monarchie De nombreux Catholiques ont considéré le le massacre traduisait la volonté de Dieu. Il n'en était évidemment pas de même du côté Protestant et ceux-ci reprirent aussitôt la guerre. Pour eux le roi avait perdu son rôle de justicier suprême et même au delà son caractère sacré. De nombreux pamphlets protestants dénoncèrent, par des écrits et des images, la barbarie royale. A partir de ce moment de nouvelles conceptions du pouvoir monarchique prennent corps: d'abord un roi tyran peut être destitué mais surtout le pouvoir du roi n'est plus absolu, il émane du peuple.
La Ligue parisienne apparaît à Paris à la fin de 1584, c'est une ligue roturière. Elle s'allie à la Ligue nobiliaire.
La Ligue parisienne est créée à l'initiative de Charles Hotman (frère du Huguenot François Hotman !), de Jean Boucher, curé de Saint Benoît, Jean Prévost, curé de Saint Séverin et Mathieu Launoy, chanoine de Soissons. Ils regroupent, secrètement, autour d'eux l'avocat Jean Dorléans, le procureur au Parlement Jean Bussy-Leclerc, Jean Louchart, Michel La Chapelle-Marteau et bien d'autres personnes, ils sont 225 en tout. La majorité du groupe est composé d'avocats, de marchands et d'officiers modestes, un seul noble mais qui va bientôt s'en éloigner. Dotée de sa propre milice, la Ligue maîtrise la ville. La coalition est organisée en seize groupes correspondant aux seize quartiers qui formaient alors la capitale (13 sur la rive droite de la Seine, 1 sur l'île de la Cité, deux sur la rive gauche). Le quartenier (chef de quartier) est chargé en même temps de la police de son quartier et du soin d'entretenir les esprits dans la fidélité à la Sainte Union. C'est la réunion des seize chefs de groupe que l'on appelle le Conseil des Seize. Ce Conseil se réunit à la Sorbonne ou dans la maison des Jésuites prés de l'église Saint Paul. Les relations avec le duc de Guise sont assurées par le sieur de Mayneville. Des membres de la Ligue parisienne vont dans d'autres régions de France consolider les liens avec les ligues en Touraine, Champagne et Bourgogne par exemple.
Dans les églises parisiennes des prédicateurs enflamment les fidèles. Les Ligueurs sont dirigés par des curés fanatiques qui gagnent peu à peu la bourgeoisie moyenne, la basoche, les bateliers et les autres corporations de la ville et enfin la majorité du peuple. Les chefs du mouvement se lient par serment, l'argent vient de dons et cotisations. En quelques mois, une armée révolutionnaire est mise sur pied, elle est entre les mains des prédicateurs parisiens. Jean Boucher est le plus représentatif de ces prêtres bagarreurs qui s'agitent comme des diables, ils réclament un roi saint comme Saint Louis, par exemple et ils s'attaquent à la personne de Henri III, qui, pour eux, est très loin de cet idéal. Boucher fait partie du Conseil des Seize, il attaque sans relâche Henri III qu'il qualifie de vilain Herodes (anagramme de Henri de Valois). Ses idées se précisent, l'Eglise et le peuple ont le droit de déposer un roi de France car c'est le peuple qui fait les rois. Les prédicateurs en arrivent à avancer une idée nouvelle : remplacer la monarchie par une sorte de dictature théocratique. Ces proclamations excessives inquiètent Henri III, le 2 septembre 1587, il donne l'ordre d'arréter les deux curés les plus vindicatifs: Jean Boucher et Jean Prévost, le procureur Bussy-Leclerc lance au peuple un appel aux armes, l'arrestation ne peut avoir lieu. Cet épisode traduit bien le climat qui règne alors à Paris.
A cette époque, à Paris et dans d'autres villes, les prix flambent et la mendicité s'accroît. La hausse des impôts n'arrange rien. Ce mécontentement attend un contexte politique favorable pour s'exprimer au grand jour. C'est ce que surveille le duc de Guise, il a obtenu l'éloignement d'un concurrent, le duc d'Epernon, favori du roi. Pour autant celui-ci se voit attribuer le gouvernement de la Normandie que visait Guise.
Le 26 avril, le duc d'Epernon part pour la Normandie. Il laisse le roi Henri III sans défense à Paris.
La Journée des Barricades (12 mai 1588)
Henri III interdit au duc de Guise de rentrer dans la ville de Paris, bien que les ligueurs le lui demandent. Le 9 mai, le duc de Guise passe outre l'interdiction, arrive dans la capitale, acclamé de toute la population. Henri III, est inquiet et il veut garder le contrôle militaire de Paris. Le 12 mai 1588, il demande aux gardes françaises et suisses d'occuper les endroits stratégiques de la capitale. Les habitants y voient une tentative de reprise en main et ils ont peur que le duc de Guise ne soit tué.
Dans la matinée, le peuple catholique de Paris se soulève contre le roi, il craint une intevention de l'armée royale. Le centre de l'insurrection est la place Maubert, dans le Quartier latin, étudiants et bougeois s'y rassemblent. Rapidement la place et ses environs se couvrent de barrages composés de barricades (barriques remplies de terre ou de pavés) et d'objets hétéroclites avec des chaînes tendues au travers des rues. Près du pont Saint Michel, un incident déclenche le massacre d'une soixantaine de suisses par la foule. Beaucoup de soldats se trouvent alors à la merci des émeutiers. Henri III doit alors s'humilier et demander au duc de Guise d'intervenir pour sauver ses soldats, ce qu'il fait. Le soulèvement est connu sous le nom de Journée des barricades. Le qualificatif vient de ce que des barriques, remplies de pierre ou de terre, ont été largement utilisées pour barrer les rues.
Le 13 mai, Henri III s'enfuit, avec ses principaux fidèles, par la Porte Neuve qui donne sur le Jardin des Tuileries, il rejoint Chartres. Bussy-Leclerc devient gouverneur de la Bastille.
Pour les ligueurs, cette journée du 12 mai 1588 est vécue comme un jour de libération. On y voit la possibilité de limiter la puissance du roi, en faisant appel aux Etats Généraux pour le contrôler.
Les suites de l'assassinat du duc de Guise (23 décembre 1588)
A Paris, dès le 24 décembre 1588, la Ligue rompt avec le roi et avec la monarchie, elle devient un mouvement révolutionnaire. Le Conseil de l'Union (ou conseil des Quarante) prend la tête de la Ligue, son autorité s'étend à l'ensemble des villes ligueuses de France. Le conseil des Seize se concentre sur Paris et assure le gouvernement municipal, il est à caractère populaire.
Les Seize s'appuient sur des conseils de Quartier qui font fonction de tribunaux de première instance. Quelques milliers de militants animent le mouvement et veillent au maintien de l'agitation révolutionnaire dans Paris avec des processions, requisitions et même assassinats. La Chapelle-Marteau devient prévôt des Marchands et la plupart des échevins sont remplacés par des ligueurs patentés. Bussy-Leclerc devient le chef de la Bastille et les officiers de la milice sont épurés. Le duc de Mayenne est désigné lieutenant général du royaume pour la Ligue et le duc d'Aumale (de la famille de Lorraine) devient gouverneur de Paris.
Le 7 janvier 1589, la Faculté de Théologie délie les sujets de tout serment de fidélité au roi. Le 16 janvier, Bussy-Leclerc fait arrêter plusieurs parlementaires jugés trop tièdes: Achille de Harlay, Nicolas de Thou, ... Il les interne à la Bastille. Pendant le mois de janvier, un mois pourtant froid, les processions pénitentielles se développent dans Paris. Henri III est considéré comme un tyran à Paris. Madame de Montpensier (une soeur des Guise) porte en permanence à sa ceinture des ciseaux destinés à tonsurer "Henri de Valois". En mai 1589, le pape Sixte-Quint en rajoute, il menace d'excommunier Henri III.
En janvier 1589, Henri III s'allie avec Henri de Bourbon, ils vont ensemble vers Paris pour en faire le siège. Le 18 mai ils gagnent la bataille de Bonneval, prennent Pontoise le 26 juillet et engagent alors le siège.
Poussé par l'effervescence ligueuse, un moine, Jacques Clément, assassine le roi à Saint Cloud, le 1er août 1589. Le 5 août Le Conseil de l'Union et Mayenne reconnaissent le cardinal de Bourbon comme roi avec le nom de Charles X.
Dès la mort de Henri III, son héritier Henri de Bourbon engage la lutte contre le chef des armées de la Ligue, Mayenne. Bien vite il est amené à lever le siège de Paris car l'armée royale se désagrège. Il se dirige alors vers la Normandie ou il vainc le chef ligueur à Arques en septembre 1589 puis à nouveau le 15 mars 1590 à Ivry, près de Dreux.
Le siège de Paris par Henri IV en 1590
Henri IV met alors le siège devant Paris en mai 1590, en en faisant le blocus, il espère obtenir la reddition de la ville. La Ligue a eu le temps de s'organiser, elle a levé trois mille hommes par quartier soit au total prés de cinquante mille hommes avec en plus 8000 soldats étrangers.
Les curés prêchent la résistance et, le 14 mai 1590, a lieu une grande procession à travers la ville, où, sous les ordres de l'évêque de Senlis et du curé de Saint Jacques la Boucherie, défilent plus de mille moines, cuirassés et avec une arquebuse à l'épaule.
Procession de la Ligue en mai 1590
L'armée royale tente une attaque par surprise qui échoue, mais les parisiens ne se sentent pas capable de faire une sortie. Le siège s'organise alors et la famine commence à faire ses effets. Aprés l'envolée des prix du blé et saconsommation, la population mange les chevaux, les ânes, les chats et les rats, puis elle consomme les feuilles de vigne, l'herbe et l'ardoise pilée et enfin à la dernière extrémité apparaissent des comportements encore plus affreux : l'anthropophagie. La famille et les combats font plus de 40000 victimes dans la ville sur une population d'un peu plus de 200000 habitants.
Même si certaines émeutes réclament la paix, les ligueurs ne capitulent pas. Ils organisent toujours des processions expiatoires. La Sorbonne et les prédicateurs continuent à attaquer le roi hérétique sans faiblir.
Au mois d'août, Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas espagnols, s'avance avec une armée dans le nord de la France. Il joint ses forces à celles de Mayenne prés de Meaux. Henri IV ne se sent pas en mesure de faire face et il lève le siège de Paris dans la nuit du 29 au 30 août. Un garnison de 4000 soldats espagnols et napolitains s'installe dans la ville.
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La levée du siège de Paris déchaine les éléments les plus avancés de la Ligue qui se livrent à une démagogie sans freins. Les Seize demandent la confiscation des biens des modérés et des Politiques.
A ce moment le curé Boucher parle de balayer les lois fondamentales du royaume que les parlementaires ne cessent d'opposer à ses idées de dictature théocratique. Les prédicateurs dénoncent le droit divin et soutiennent la souveraineté du peuple : la puissance de lier et délier demeure au peuple et aux Etats. La monarchie est le résultat d'un contrat entre le roi et le peuple. Les ministres sont les agents d'exécution des lois du royaume et non ceux des volontés du roi. La déposition du roi peut se faire par les armes.
Cette situation va durer un an, le 6 novembre 1591 est créé un nouveau conseil, le Conseil des Dix, qui est composé des ligueurs les plus extrémistes. Le 15 novembre, à l'initiative des avocats Ameline et Anroux, du procureur Emonnot et de Jean Louchart, le premier président du Parlement, Barnabé Brisson, le conseiller au Parlement, Claude Larcher, et le conseiller au Châtelet, Jean Tardif, sont arrêtés, jugés et pendus aux poutres d'une salle du petit Châtelet. Cet évènement est significatif de l'animosité ambiante contre les grandes familles de la noblesse de robe parisienne, qui est suspectée de tièdeur. C'est l'époque où circulent des listes de suspects classés selon leur sort : Pendus, Dagués, Chassés.
le drame provoque une grande émotion dans la ville, il va entrainer l'élimination du groupe dirigeant de la ligue parisienne et mettre fin au processus révolutionnaire. En effet, inquiet de la situation, Mayenne revient à Paris le 28 novembre 1591. Il fait arrêter les meneurs, plusieurs sont pendus. Le Conseil des Seize est cassé et le gouvernement de la municipalité est confié à des Politiques. Les éléments modérés de la Ligue, surtout des magistrats, reviennent sur le devant de la scène aux dépens de la basoche et des marchands. Le prestige des prédicateurs baisse. Un parti important s'est constitué, les Politiques, qui songe de plus en plus à reconnaître le roi Henri IV à la condition que celui-ci se convertisse au catholicisme.
Mayenne convoque les Etats généraux pour choisir le futur souverain catholique, ils s'ouvrent le 26 janvier 1593. De nombreux candidats sont en lice et s'opposent les uns aux autres. Forte de la présence d'une armée espagnole dans Paris, la fille de Philippe II d'Espagne, l'infante Isabelle, est une candidate sérieuse. D'autres candidats sont également en lice. Les exigences de Philippe II d'Espagne, pour sa fille Isabelle, s'avèrent inacceptables. Le 28 juin 1593, le Parlement de Paris adopte l'arrêt Lemaître qui réaffirme la validité de la loi salique, les Etats généraux s'achèvent le 8 août sans avoir trouvé de solution. Les ligueurs modérés ont déjà commencé à négocier avec Henri IV, c'est la conférence de Suresnes qui débouche sur la conversion du roi le 25 juillet 1593.
Paris est alors le théâtre d'une intense propagande, illustrée par le Dialogue du Maheustre et du Manant, côté ligueurs, et de la Satire Ménippée côté Politiques, celle-ci a contribué fortement à ridiculiser les Etats généraux de la Ligue.
La Satire Ménippée
La Satire Ménippée est une expression de la colère bourgeoise vis-à-vis de la situation de Paris à la fin de la Ligue. C'est un pamphlet politique en faveur du roi Henri de Bourbon (Henri IV) qui a pour but de faire pencher les parisiens vers le roi alors que la ville est toujours tenue par la Ligue, qui est soulevée contre lui. La Satire a été écrite par morceaux en 1593 et publiée au début de 1594, à Tours, qui était alors la capitale de fait du roi.
La Satire Ménippée est écrite pendant les Etats généraux de la Ligue qui sont réunis à Paris. Le sujet de la « Satire » est simple : le roi Henri IV et ses amis imaginent une séance de ces Etats où les principaux acteurs ont tous pris la parole. Les auteurs du pamphlet se chargent de rendre compte à leur façon de cette journée. La moquerie est une arme plus efficace que l'épée, la séance des Etats généraux devient une farce, les portraits sont à charge. Au moment où le lecteur commence à se décourager, apparaît le député du Tiers état, Monsieur d'Aubray. Le ton change, il décrit d'abord les causes des malheurs, en minimisant le conflit religieux, puis on arrive à l'extrait où Monsieur d'Aubray expose la nécessité d'avoir un roi légal et naturel. Il discrédite un à un les différents candidats de la Ligue pour le trône de France et, enfin, affiche clairement son choix pour Henri IV, s'il devenait catholique, ce serait mieux, mais ce n'est même pas indispensable.Le but de ce texte est donc de convaincre les français et surtout les parisiens qu'un seul roi est possible pour avoir la paix : Henri de Bourbon. Il défend la monarchie héréditaire et tout au long du discours il fait vibrer le sentiment national
L'essentiel de la doctrine du document est contenu dans le passage qui est dénommé la Harangue de Monsieur d'Aubray. Claude d'Aubray était un colonel de la milice parisienne, ligueur zélé qui est ensuite devenu Politique, il ne fait que prêter son nom. L'auteur réel de cette harangue est probablement Pierre Pithou (cf ci-dessous). La Harangue de Monsieur d'Aubray en est le morceau principal, c'est elle qui met le mieux en avant le vrai objectif de la « Satire » : faire de Henri de Bourbon le roi de tous les français, avec un pouvoir naturel et sans contrôle.
Ce document de propagande a atteint son but car il répond alors au sentiment de la majorité des français qui sont las des guerres. On perçoit à travers la Satire Ménippée que les guerres de religion ont parachevé ce que la guerre de cent ans avait révélé : l'existence d'un sentiment national suffisamment fort pour que l'on puisse en appeler à lui dans les situations difficiles.
Pierre Pithou (1539-1596) est le plus grand jurisconsulte français de ce temps. Dans sa jeunesse, il a été calviniste et a séjourné alors à Bâle. Il revient à Paris où il échappe de peu à la Saint Barthélémy, il abjure le protestantisme en 1573. C'est lui qui a fourni au roi Henri III la justification pour ne pas publier dans leur intégralité les décisions du concile de Trente. Dès le retour du roi Henri IV à Paris il devient procureur général du Parlement, il y est chargé de faire fusionner les magistratures ligueuses et royalistes. Pithou établit les principes juridiques sur lesquels repose le Gallicanisme dans un ouvrage sur Les Libertez de l'Eglise Gallicane publié en 1594. Il a écrit de nombreux autres livres juridiques et historiques.
Le 17 mai 1593 Henri IV engage des discussions avec des représentants de la Ligue à Suresnes. Une trêve permet aux parisiens de respirer. Le roi finit par abjurer le protestantisme dans la basilique Saint Denis. Les négociations vont encore durer quelques mois pour permettre aux troupes espagnoles de quitter Paris et aussi pour recevoir du pape la levée de l'excommunication du roi.
Finalement, la population se résigne à accepter le roi Henri IV. Le 22 mars 1594, le comte de Brissac, gouverneur de Paris, et Lhuillier, prévôt des marchands, ouvrent la Porte Neuve, sur les quais, le long du Louvre, aux troupes royales. Henri IV pénètre d'abord dans le Louvre, puis, accompagné d'un cortège, il avance par les rues Saint Honoré et de la Ferronnerie jusqu'à Notre-Dame. Il y entend la messe et le chant du Te Deum.
Le soir même les derniers éléments de la garnison espagnole quittent Paris par la Porte Saint Denis. Le roi les regarde partir d'une maison voisine.
Départ des espagnols de Paris le 22 mars 1594, gravure, Musée Carnavalet
Henri IV est à la fenêtre d'une maison, en haut à droite. Les Espagnols saluent le roi en enlevant leur chapeau et en esquissant une révérence. Les soldats français, armés de grandes piques, font la haie et contiennent la foule. Boucher et une soixantaine de prêtres et moines (ils sont déguisés) accompagnent les Espagnols et subissent invectives et vociférations.
Au lendemain de son entrée dans Paris, les habitants se rallient au roi, les curés se taisent et les plus virulents, comme Jean Boucher, s'enfuient. La Sorbonne, qui était à la pointe de la lutte contre Henri IV, s'adapte rapidement et redevient loyaliste. Le roi adopte une attitude de tolérance même vis à vis des ligueurs extrémistes, il résiste aux demandes de certains Huguenots qui réclament le châtiment des coupables.
Conclusion sur la Ligue à Paris
Sans Paris, la Ligue n'aurait pas eu de portée nationale, quand, en 1594, Paris lui fait défaut, elle s'étiole rapidement.
Pendant 10 ans, de 1584 à 1584, Paris a vécu une période extraordinaire qui a facilité l'éclosion d'idées jusque-là taboues. Il est difficile de qualifier la vraie nature de la Ligue parisienne, car elle est le résultat d'influences complexes qui se sont mélangées les unes avec les autres.
Il y a d'abord une revendication sociale, la ligue parisienne est l'affaire des couches moyennes du barreau, du commerce et des « écoliers », ils en veulent à la noblesse de robe et aux hauts magistrats qui gravitent autour du Parlement et du pouvoir royal et se sont accaparés pouvoirs, richesses et avantages. Le meurtre du président Brisson est le symbole de cette revendication sociale.
Il y a ensuite la volonté de revenir aux libertés et franchises municipales d'antan, qui, dans la mémoire collective, sont embellies, c'était l'époque où l'emprise du pouvoir royal sur la ville restait faible.
Mais surtout on trouve dans la Ligue parisienne une double composante révolutionnaire. La première, religieuse, a la volonté d'établir une dictature théocratique. La seconde, politique, recherche la souveraineté du peuple et la limitation du pouvoir royal. Jean Bodin, dans une lettre à un de ses amis, écrit que le « soulèvement de tant de villes […] ne devrait pas être appelé rébellion mais révolution ».
Tous ces facteurs se sont entrecroisés, avec en toile de fond, ne l'oublions pas, une ville qui de 1590 à 1594, était en situation d'occupation par l'armée espagnole.
Paris tombé, la Ligue se disloque rapidement. Henri IV chasse les dernières troupes espagnoles qui restent en France. Il signe avec l'Espagne, en mai 1598, la Paix de Vervins, qui rétablit les clauses du traité de Cateau-Cambrésis. Il lui reste alors à accomplir la pacification du royaume qui est désorganisé après 40 ans de guerres civiles. Il commence en promulguant l'Edit de Nantes en 1598. La France devient le seul pays européen à vivre avec la tolérance religieuse.
Au final, la Ligue nobiliaire et la Ligue parisienne ont échoué. Les objectifs de cette dernière étaient trop extrémistes et déphasés par rapport à la mentalité de la société de la fin du XVIème siècle. Les acteurs n'avaient pas la maturité politique nécessaire à leur projet et l'environnement global ne leur était pas favorable.
Il n'en sera pas de même deux siècles plus tard, quand Paris fera la Révolution française avec un déroulement rappelant celui de la Ligue parisienne.