Geoffroy I Grisegonelle (940-987)
C'est le fils du precedent et de Gerberge de Vienne. Il épouse en 959 Adèle de Vermandois (la soeur de Leutgarde, la femme de Thibault le Tricheur ce qui permet de solidifier l'alliance avec le Comte de Blois), il en a eu un fils, Foulques III Nerra, et une fille, Gerberge, mariée à Guillaume IV Comte d'Angouleme. Geoffroy se remaria en 978 à Adèlaide de Chalon, veuve du Comte Lambert de Chalon, il eut un fils avec cette dernière, Maurice.
Geoffroy fut un Comte dans l'esprit Carolingien, il est fidèle aux Rois Lothaire et Louis V et reconnait tenir l'Anjou de Hugues le Grand Duc de France, puis (mais de manière beaucoup moins nette) de Hugues Capet. Dans l'autre sens, il a établi des liens féodaux qui lui subordonnent le Comte de Nantes et le Vicomte de Thouars par exemple.
Pendant la période où il a été à la tete de l'Anjou Geoffroy Grisegonelle a poursuivi les deux grands axes politiques de ses prédécesseurs Foulques le Bon et Foulques le Roux: d'abord la défense de sa frontière ouest et pour ce faire controler le Comté de Nantes, ensuite la pénétration de l'Aquitaine du nord. Il a règné 27 ans et a exploité et développé les liens familiaux de sa lignée, ainsi par son second mariage avec Adèle de Chalons, celui de son fils Foulques Nerra avec Elizabeth de Vendome et celui de sa fille au Comte Conan de Rennes.
Il se préoccupe aussi de ses liens avec les Seigneurs intermédiaires et en particulier avec les familles Vicomtales en complément de sa politique matrimoniale, ainsi à vendome et à Rennes ou encore avec la famille Vicomtale d'Orléans afin d'assurer ses possessions du Gatinais ou la famille Vicomtale du Mans pour développer son controle du Maine.
Au delà de ces deux objectifs majeurs Geoffroy poursuit une politique de consolidation et d'agrandissement territorial dans toutes les directions:
- à l'ouest avec la place de Rochefort sur Loire et sur les rivières Oudun et Mayenne les implantations de Craon et Chateau-Gontier; sur la Sarthe un allié, Geoffroy de Sablé tient cette importante ville,
- au nord proche, toujours sur la Sarthe, le Comte d'Anjou tient Parcé, il a pénetré le Maine et est allié aux Vicomtes du Mans et à la Maison de Belleme.
- au nord plus lointain, Geoffroy a des points d'appui familiaux à Amiens, dans le Vexin et vers l'est dans le Gatinais près d'Orléans.
- à l'est sur le Loir il tient Bazouges qu'il confie à Hugues I de Lavardin, un neveu du Vicomte Raoul du Mans, au delà il tient également Le Lude et Dissay qui touche quasiment les domaines de son allié Bouchard de Vendome,
- plus loin, il tient la place d'Amboise qui permet d'accèder à la vallée de l'Indre et à Loches, Chatillon sur Indre et Buzancais et vers l'ouest à La Haye (Descartes), aux domaines de son allié le Seigneur de Preuilly et à Nouatre sur la Vienne.
- au sud Geoffroy Grisegonelle possède Loudun, Montaglan, Vihiers et la région des Mauges, en plus il est allié au puissant Vicomte de Thouars.
- dans le sud est de l'Aquitaine, la famille des Comtes d'Anjou possède un ensemble de domaines très significatifs avec le Comté de Chalons, Le Puy, le Forez et le Gévaudun, en outre il est allié au Comte du Périgord et de la Marche.
Au début de son règne Geoffroy poursuit la ligne politique de son père Foulques le Bon, il est un allié du Comte de Blois Thibault le Tricheur. La mort d'Adèle de Vermandois en 974 puis celle de son beau frère Thibault en 977 distendent les relations. Le nouveau Comte de Blois Eudes I agit rapidement de manière inamicale vis à vis de Geoffroy . Lorsqu'avec l'appui du Roi Lothaire Geoffroy se remarie à Adèle de Chalons fin 978, c'en est fini des bonnes relations avec la Maison de Blois, une lutte qui va durer 70 ans commence. En contrepartie, à la fin de sa vie Geoffroy devint un allié tres proche de Hugues Capet qui lui aussi était en mauvais termes avec Eudes de Blois.
L'entourage de Geoffroy Grisegonelle et la défense d'Angers
Pour défendre son Comté Geoffroy Grisegonelle s'entoure de fidèles qui sont chargés de tenir et défendre des places fortes tout autour de la capitale Angers. Certains ont meme des biens et attributions à l'intérieur d'Angers.
Commencons par la rive gauche de la Loire qui va d'Angers à St Remy la Varenne, elle est confiée à Cadilo qui a également en charge Blaison. La rive droite quant à elle est confiée à Gautier qui possède aussi Limelle et assure la protection de la route d'Angers à Tours. Un peu plus loin, Ascelin est établi à Brain sur l'Authion. Plus au nord, Jarzé appartient au clan Bouchard, c'est une famille qui participe à la défense du Comté mais aussi est introduite dans l'administration de la Cathédrale et de l'Eveché. Un de ses membres est fait Abbé de St Serge par Geoffroy Grisegonnelle et un autre Chatelain de Briollay par Foulques Nerra.
En 965 Geoffroy installa Eon à Seiches sur le Loir, Eon vient de la région de Rennes et il appartient à la famille des Vicomtes de Rennes. Son successeur Joscelin est lui aussi apparenté à la meme famille, il devint ensuite Seigneur de Beaupréau et Baugé. Un fidèle du Comte est installé à Corzé. Vaux, Prignes et Boudé appartiennent à Renaud et Noyau à Fulcoius, ce sont les membres d'une puissante famille de l'Anjou qui obtient la Vicomté d'Angers avec Renaud dont le fils également nommé Renaud devient Eveque d'Angers. Plus à l'ouest Thorigné est aussi dans le domaine de cette famille.
Champigné sur Sarthe fut attribué à Aubri de la famille des Vicomtes d'Orléans. L'important chateau de Rochefort sur Loire est possèdé par Robert de Buzancais ( appartenant à une famille alliée de longue date des Comtes d'Anjou), il le garda jusqu'au debut des années 970 date à laquelle Rochefort fut transféré à Renaud, le futur Vicomte d'Angers. Enfin la place forte de Morin est sous le controle de Frédéric.
Tous ces Seigneurs gardent un territoire sur un rayon de plus de 25 km autour d'Angers, garantissant ainsi la sécurité de cette ville.
Les affaires avec Nantes et la Bretagne Dès son avènement en 960, il aide le Roi Lothaire en association avec Thibault de Blois dans une campagne contre le Duc Richard de Normandie, alors que Hugues Capet reste dans une neutralité favorable à Richard. Les Normands, renforcés de troupes scandinaves, prennent Nantes. Hoel, le Comte mis en place par Foulques le Bon se rallie à eux suite à l'incapacité de Geoffroy de venir à son secours. Nantes place essentielle pour la vie de l'Anjou se retrouve ainsi en des mains ennemies.
Afin de rétablir une nouvelle ligne de défense à l'ouest, Geoffroy Grisegonelle s'appuie alors sur le clan des Renaud, Renaud de Thorigné (dèjà possessioné le long de la Sarthe et dans les Mauges) est chargé de la défense de la basse vallée de la Loire et Geoffroy lui attribue la place forte de Rochefort sur Loire. En 973 le fils de Renaud, également nommé Renaud, devient Eveque d'Angers avec l'appui de Geoffroy, en contrepartie le père promet qu'à sa mort l'essentiel de ses possessions dans les Mauges reviendra au Comte d'Anjou ou à son successeur. En 976 enfin, Renaud le père devient meme Vicomte d'Angers. La montée en puissance de la famille des Renaud portait en germe de futures grandes difficultés pourle fils de Geoffroy, Foulques Nerra.
Toujours avec l'appui de Thibaud de Blois, Geoffroy renforce ses positions du coté de Rennes. Les Comtes de Rennes sont les ennemis traditionnels des Comtes de Nantes et ils sont sous l'influence des Comtes de Blois. Vers 965, Eon de la famille des Vicomtes de Rennes se voit attribuer des domaines en Anjou et fait désormais partie de l'entourage de Geoffroy, et vers 970 un parent d'Eon, Joscelin est lui aussi près du Comte d'Anjou. En 971 Geoffroy s'allie avec Conan le nouveau Comte de Rennes en lui faisant épouser sa fille Hermengarde (leur fils Geoffroy Beranger est né vers 975). Pendant toute cette période Conan est en guerre quasi permanente avec Hoel, le Comte de Nantes.
Ce double dispositif, le clan Renaud d'un coté, le Comte de Rennes de l'autre, permettait à Geoffroy de securiser sa frontière ouest en dépit de la perte de controle de Nantes.
En 981 Conan de Rennes sort vainqueur de sa lutte contre Hoel de Nantes, il est meme en position de prendre la ville. Guerech, le successeur d'Hoel, fait alors appel à Geoffroy d'Anjou en le reconnaissant comme son Suzerain. Conan, qui est de fait un vassal de Eudes I de Blois, se retrouve alors en opposition avec Geoffroy. Ils se rencontrent en bataille rangée à Conquereuil, en 982, Geoffroy y écrase Conan.
En 984, le Comte de Nantes Guerech se rend auprès du Roi de France Lothaire et se reconnait son vassal en direct. Guerech cherche à substituer la tutelle lointaine du Roi de France à celle beaucoup plus stricte du Comte d'Anjou, et il entend profiter de ce que les relations entre Lothaire et Geoffroy ne sont plus bonnes suites aux affaires d'Aquitaine. Geoffroy réagit rapidement à cette attitude d'hostilité et fait capturer Guerech par surprise sur son chemin du retour vers Nantes. Prisonnier, Guerech se reconnait à nouveau le vassal de Geoffroy en 985 et il retrouve ainsi sa liberté. Il en profite pour faire construire une forteresse à Ancenis aux portes de l'Anjou et demande et obtient que Renaud de Thorigné, très possessioné dans les Mauges, se reconnaisse son vassal pour ces domaines. En contrepartie Guerech cède à Renaud la place forte de Champtoceaux. Avec le soutien de Geoffroy, Guerech se fait confirmer l'attribution des Mauges, des pays d'Herbauge et de Tiffauges par le Comte de Poitou en appui de la concession faite en 941 à Alain de Bretagne en tant que Comte de Nantes.
Pendant ce temps les relations de Geoffroy et de Conan de Rennes ne s'améliorent pas, c'est ce qui conduit le Comte d'anjou à renforcer les places fortes de Pouancé, Segré et Candé. Simultanément il place à Craon (qui est à 50 km au nord ouest d'Angers sur la route de Rennes) une famille de fidèles, les Suhard-Garin.
Le Gatinais et l'Orléanais
Depuis Tertulle, au milieu du IXème siècle, la famille des Comtes d'Anjou possède la place forte de Chateau-Landon qui se situe à environ 60 km au nord est d'Orléans, en plein coeur du domaine patrimonial des Robertiens et plus au sud, elle a des droits sur l'Abbaye St Pierre de Ferrière dont le frère de Geoffroy, Guy, est l'Abbé. Tous deux entreprennent la réforme religieuse de ce Monastère. Le controle de Chateau-Landon et de l'Abbaye Saint Pierre de Ferrières donne à Geoffroy une réelle capacité d'intervention dans les affaires de cette région qui s'appelle le Gatinais. Geoffroy renforca ces liens locaux en se rapprochant du Vicomte d'Orléans Aubri dès 966 et il dote un membre de cette famille, également nommé Aubri, d'un bénéfice à Champigné sur Sarthe. Plus tard Hugues Capet attribua des biens supplémentaires à Geoffroy dans l'Orléanais tout proche.
Le Nord de la France
Depuis les années 930 et le mariage de la tante de Geoffroy, Adèle avec le Comte Gautier I de Vexin, les Comtes d'Anjou ont établis des liens solides avec les Comtes d'Amiens également détenteurs des Comtés de Valois et du Vexin.
Témoins de ces liens les noms portés par les enfants de Gautier et d'Adèle:
- Gautier qui succède à son père et Raoul portent des noms de la Maison d'Amiens,
- Guy qui devient Eveque de Soisons à la suite de son oncle maternel Guy d'Anjou, Geoffroy qui devient Comte du Gatinais et Foulques portent des noms de la Maison d'Anjou.
Au début des années 950 Geoffroy se marie avec Adèle de Vermandois, ce mariage lui apporte des biens dans la région de Beauvais au sud du Vexin. Dans le meme temps il cultive la Maison de Belleme qui est puissamment établie à la frontière sud de la Normandie et qui a le soutien des Ducs de France.
Ces trois réseaux permette à Geoffroy d'etre très présent dans les régions du sud et de l'est de la Normandie, ceci ne peut se faire bien sur qu'avec l'accord du Duc de France Hugues Capet.
Les domaines du sud de la Touraine et du nord Berry
Les Comtes d'Anjou sont implantés depuis longtemps dans le sud de la Touraine (Loches) et le nord du Berry (Buzancais).
Ainsi la Vallée de l'Indre de Buzancais à Cormery en passant par Chatillon sur Indre, Loches et Courcay est sous leur influence depuis le mariage d'Ingelger avec Adelaide de Buzancais et la famille des Seigneurs de Buzancais, très présente dans cette région, leur est apparentée. L'Abbaye de Cormery bien qu'affiliée à l'Abbaye St Martin de Tours est sous controle Angevin. A l'est de l'Indre les Comtes d'Anjou controlent également l'Abbaye de Villeloin et les places fortes de Valencay et Villentrois, ils ont aussi des liens avec les Seigneurs de Gracay. A l'ouest de l'Indre ils tiennent en direct La Haye (maintenant Descartes) sur la Creuse et ils sont liés à Hatto Seigneur de Preuilly sur Claise et à Guenno Seigneur de Nouatre qui garde avec son chateau un des passages à gué de la Vienne. Un peu au nord de Nouatre, St Epain est une possession des Comtes d'Anjou.
Cet ensemble est certes dispersé et disparate mais il n'en reste pas moins que Geoffroy Grisegonelle est le Seigneur le plus important de cette région, ceci est matérialisé par la possession de la place forte de Loches que Geoffroy fit renforcer en construisant la grande tour carrée dans l'enceinte du chateau. Plusieurs fidèles de l'entourage de Geoffroy avaient des biens et des interets à Loches provenant, comme pour les Comtes d'Anjou, de leurs liens avec l'ancienne et puissante famille des Adalards.
L'avancée en Poitou
Pendant son règne, Geoffroy réussit à étendre son influence en Poitou en prenant la ville de Loudun et en s'appuyant sur le Vicomte de Thouars. Pour faire durer ces acquis il accepte une forme de vassalité vis à vis de Guillaume Fier à Bras Duc d'Aquitaine.
La Loire a toujours formé une frontière naturelle entre le nord et le sud de la France et c'est effectivement la fontière sud du territoire Angevin. Pour autant les Comtes d'Anjou ont tous cherché à developper leur implantation au sud de la Loire dans le nord du Poitou et de l'Aquitaine. Un des objectifs est de préserver une certaine distance entre la frontière du Poitou et la capitale Angers et un autre de maintenir une ligne de communication vers les territoires qu'ils controlaient dans le sud de la Touraine et le nord du Berry. Foulques le Bon s'était emparé de Méron et avait sous sa tutelle les Mauges et les pays d'Herbauge et de Tiffauge depuis son mariage avec la veuve d'Alain le Grand Duc de Bretagne.
Geoffroy Grisegonelle poursuit la pénétration du Poitou en s'installant, près de Méron, au Coudray-Macouard . ll confie cette place à un fidèle nommé Gautier, ce dernier avait dejà des biens à Limelle à l'est d'Angers et son frère Constantin possèdait des terres près d'Angers et à Montaglan près de Méron. L'Abbaye de St Aubin est l'attributeur des benefices aux fidèles de Geoffroy dans cette région afin qu'ils puissent assurer la construction de points forts comme la Motte entourée de fossés à Montaglan. Ces acquis permettent à Geoffroy de continuer à avancer en Poitou aux dépens du Comte Guillaume Fier à Bras.
Geoffroy cultive l'amitié du Vicomte Aimery II de Thouars et lui attribue un domaine près de Chavagné (près de St Maixent, sur la route de Niort à Poitiers), un autre à Faye l'Abbesse près de Bressuire et un troisième à Missé juste au sud de Thouars. A la mort d'Aimery II, son fils et et successeur Herbert I conserva ces biens grace à 'intervention de Geoffroy auprès du Roi de France Lothaire. En pratique Herbert resta un allié constant de Geoffroy vis à vis de Guillaume Fier à Bras. Il est vrai que le Vicomte de Thouars n'avait pas accepté l'aventure de sa femme, Aldéarde, avec Guillaume. Le fils d'Herbert, Aimery III, resta aussi fidèle à l'alliance avec les Comtes d'Anjou, ceci était important car la forteresse de Thouars controlait une vaste région.
Au début des années 970 les hostilités sont déclarées et Geoffroy vainc Guillaume Fier à Bras à la bataille des Roches puis s'empare de Loudun et de Mirebeau. Guillaume entérine ce succès en attribuant, en tant que suzerain, ces places à Geoffroy Grisegonelle. Peu après d'ailleurs l'Abbesse de Sainte Croix de Poitiers, Hermengarde, demande à Geoffroy d'assurer la défense de ses interets dans la région de Loudun, en contrepartie Geoffroy obtient les ressources lui permettant de solidifier son implantation par la construction de nouvelles fortifications. Il confie Loudun à un Seigneur nommé Roger. La possession de Loudun assure désormais la ligne de communication vers Nouatre sur la Vienne et au delà vers le sud de la Touraine et le Berry en évitant le passage par Saumur Chinon et l'Ile Bouchard controlés par les Comtes de Blois.
Toujours dans la meme région, Geoffroy cultive l'amitié d'Arnuste Abbé de l'importante Abbaye de St Jouin de Marnes. Cette Abbaye est située sur la Dive à une quizaine de kilomètres au sud de Thouars, elle a à cette époque comme Préposé le futur Vicomte Renaud d'Angers. Geoffroy redonna à l'Abbaye des terres que s'étaient appropriés Foulques le Roux et Foulques le Bon. Ces restitutions furent approuvées par Renaud et par le Vicomte de Thouars.
En 981, de retour de Montreuil sur mer où il avait aidé Hugues Capet à réduire un Seigneur allié de Eudes I de Blois, en passant par Paris Geoffroy recrute un de ses parents, Aubri, il lui confiela place de Vihiers et lui cède l'église Ste Marie de Loudun et bien d'autres propriétés. Vihiers est une place stratégique située à 40 km au sud d'Angers dans la direction de Thouars et sur la frontière est des Mauges, c'est aussi un maillon de la ligne de communication vers l'est évoqué precedemment.
Le Sud Est de l'Aquitaine
Dans cette région Geoffroy bénéficie de la forte implantation de sa soeur Adélaide marièe à Etienne Comte de Gévaudan et de Forez. En 975, grace à l'aide du Roi Lothaire Geoffroy obtient la nomination de son frère Guy comme Eveque-Comte du Puy en Velay. Le Velay est connexe à la fois au Gévaudan et au Forez, ainsi se constitue une enclave Angevine quasi autonome dans le sud est de l'Aquitaine.
Vers 978 Geoffroy Grisegonelle se remarie, avec l'appui du Roi Lothaire, à la petite fille de l'ancien Comte de Chalons Giselbert, Adèle qui est devenue veuve du Comte Lambert. Geoffroy exerce alors de fait la fonction de Comte de Chalons renforcant encore plus le bloc évoqué précedemment. (En facilitant ce mariage Lothaire a pour objectif de neutaliser dans cette région le Duc de Bourgogne, qui est le frère de Hugues Capet Duc de France et de préparer le terrain pour son fils Louis en Aquitaine). Pour complèter le dispositif, la fille d'Adélaide, Adalmode, épouse Aldebert Comte de Périgord et de la Marche. Les Alliances Angevines enserrent aussi le Poitou par le sud.
En 983 le mariage de Louis et d'Adélaide s'avère un échec, ceci refroidit singulièrement les relations entre le Roi Lothaire et Geoffroy Grisegonelle. C'est d'ailleurs à ce moment que Lothaire recoit Guerech Comte de Nantes et qu'il favorise la Maison de Blois dans la succession d' Herbert III de Vermandois aux dépens du fils de Geoffroy, Foulques Nerra. Ceci accentue le rapprochement entre Geoffroy et Hugues Capet, ils ont désormais beaucoup d'interets en commun.
A cette meme époque Geoffroy parvient à changer les conditions de la succession au Comté de Chalons. Hugues le fils de Lambert de Chalons entre dans le clergé laissant la place au fils que Geofroy a eu en 980 d'Adele de Chalons, Maurice. Geoffroy se manifeste d'ailleurs comme Comte de Chalons, ainsi en 984 il fait des dons à l'Abbaye de Cluny dont l'Abbé Mayeul est un proche de Hugues Capet et de Bouchard de Vendome.
Le Val de Loire et le Comte de Blois
La famille des Comtes d'Anjou est implantée dans le Val de Loire depuis la fin du IXème siècle, elle est lièe en particulier à la famille des Alard/Adalard qui possèdaient au IXème siècle Loches et Amboise en particulier. Au siècle suivant ces villes appartiennent aux Comtes d'Anjou et en font un centre de pouvoir d'autant plus important dans la région qu'ils détiennent déjà Saumur et Angers. En plus Foulques le Roux a meme été Vicomte de Tours et Trésorier de Saint Martin de Tours et ses fils Foulques le Bon et Guy sont Chanoines de l'Abbaye St Martin. Le parent et allié de Geoffroy Grisegonelle, Hervé I de Buzancais, est Trésorier de Saint Martin de 966 à 980.
Seuls les Robertiens sont plus puissants que les Comtes d'Anjou dans la région pendant la première partie du Xème siècle et Hugues le Grand, soucieux de garder la maitrise de la situation, y établit Thibault de Blois comme Vicomte de Tours afin de contrebalancer l'influence grandissante des Angevins. Thibault réussit à se renforcer au point que Foulques le Bon lui cède Saumur en 952 dans le cadre des arrangements réalisés sur le Comté de Nantes à la mort d'Alain de Bretagne. Puis Thibault crée le Monastère St Florent de Saumur en 955 qui obtient de nombreux biens dans la région sud de Saumur et meme dans les Mauges où en plus le monastère de St Florent le vieil est devenu un point d'appui du Comte de Blois. En outre Thibault devient Comte de Tours en 958 et un de ses fidèles, Arduin, devient Archeveque de Tours en 960. A cette date le Comte de Blois est devenu le vrai maitre du Val de Loire de Saumur à Blois, (à l'exception de l'enclave d'Amboise), et aussi de la vallée de la Vienne de l'Ile Bouchard à Chinon et Candes aux portes de l'Anjou. Pourtant Geoffroy Grisegonelle continue de coopérer avec Thibault jusqu'à la mort de ce dernier en 977.
Le successeur de Thibault, son fils Eudes I de Blois, manfeste sa volonté d'autonomie vis a vis de Hugues Capet et s'appuie pour cela sur le Roi de France Lothaire qui en plus l'aide à s'établir en Vermandois. Hugues Capet, qui dans la région n'est plus qu'Abbé laic de St Martin de Tours, et Geoffroy Grisegonelle se rapprochent donc pour contrer la montée en puissance du Comte de Blois. Geoffroy établit des liens avec Bouchard de Vendome, le fidèle de Hugues Capet. Geoffroy dispose aussi du soutien de deux alliés de longue date de sa famille: les Seigneurs de Buzancais et de Preuilly. Geoffroy s'appuie sur ses cousins Archambaud de Buzancais et Sulpice d'Amboise et Hervé I de Buzancais est d'ailleurs, dans les années 980, Trésorier de l'Abbaye Saint Martin de Tours, un poste très important car il donne accès aux ressources de cette Abbaye. Geoffroy entretient aussi de bonnes relations avec les Abbayes Saint Julien de Tours et Marmoutier qui sont des centres de pouvoir importants dans la ville de Tours.
C'est dans les années 980 que se cristallise le conflit avec la Maison de Blois. Eudes I de Blois est assisté par ses vassaux, en particulier Guelduin Seigneur de Saumur (cf la partie sur le Vendomois ci dessous).
Afin de garder le contact avec l'importante place d'Amboise, qui est isolée en terrain ennemi, Geoffroy solidifie sa ligne de communication vers l'est, au nord de la Loire. Eon puis Joscelin de la famille des Vicomtes de Rennes sont établis à Seiches sur le Loir, et une autre famille fidèle, le clan Bouchard est à Jarzé. Baugé et Noyant, obtenus de l'Abbaye St Martin de Tours grace à Hervé de Buzancais, sont directement entre les mains du Comte d'Anjou et il en est de meme encore plus à l'est de Semblancay et Morand, cette dernière place étant proche d'Amboise. Tous ces points sont à moins d'une journée (30 km) de voyage les uns des autres et ils permettent ainsi un déplacement sur d'Angers à Amboise.
Le Maine et le Vendomois
Foulques le Bon s'est préoccupé d'étendre l'influence des Comtes d'Anjou vers le Maine en s'appropriant des domaines de l' Abbaye St Martin de Tours à Précigné et Parcé sur la Sarthe. En 970 Geoffroy Grisegonelle est fortement impliqué dans les affaires du Maine, il appuie auprès du Roi Lothaire la nomination de Sigefroy, le frère d'Yves de Belleme, au siège épiscopal du Mans. En contrepartie Sigefroy lui cède les domaines épiscopaux de Coulaines et Dissay sous Courcillon sur le Loir. L'objectif est d'affaiblir le pouvoir du Comte du Maine en s'appuyant sur un clan familial très puissant dans la région: celui des Seigneurs de Belleme et de leurs parents les Vicomtes du Mans. Dès 967 Raoul Vicomte du Mans figure dans l'entourage de Geoffroy Grisegonelle, il est marié à la soeur de Yves de Belleme et de Sigefroy.
Coté ouest du Maine, Geoffroy solidifie son implantation à Craon en y placant la famille des Suhard-Garin et aussi à Précigné et Parcé qui ne sont qu'à 10 km de l'importante place forte de Sablé. Le Seigneur de Sablé, Geoffroy, est le fils du Vicomte Raoul du Mans et le neveu de Sigefroy, il fait partie de l'entourage du Comte d'Anjou.
Cette présence dans le Maine permet à Geoffroy d'assurer une meilleure protection d'Angers et de progresser sur le Loir où il possède déjà la place du Lude. Pour autant il ne cherche guère à progresser au delà de Dissay car vers l'est la vallée du Loir est sous l'influence de Bouchard de Vendome, un ami très proche du Duc de France Hugues Capet qui est le suzerain du Comte d'Anjou. Geoffroy a toujours ménagé Bouchard, ainsi en 977 il établit Thibault, le beau fils du Comte de Vendome, comme Abbé de Cormery. Bouchard est lui aussi un allié et soutien de Sigefroy dans ses démélés avec le Comte du Maine.
En 985, Geoffroy Grisegonelle et Bouchard de Vendome sont souvent ensembles, ainsi à Nouatre sur la Vienne, et c'est à ce moment que se finalise le mariage du fils de Geoffroy, Foulques Nerra, avec Elizabeth de Vendome la fille de Bouchard. Foulques commence d'ailleurs à etre associé par son père à la direction du Comté d'Anjou. Les liens entre les deux maisons Comtales sont prolongés par ceux établis entre les Vicomtes du Mans et les Vicomtes de Vendome. En 987 Geoffroy est avec Hugues Capet et Bouchard au siège de Marcon (près de Chateau du Loir) qui est tenu par Eudes Rufin, un fidèle de Eudes I de Blois. Marcon est en effet un obstacle entre les possessions de Geoffroy et celles de Bouchard.
C'est d'ailleurs au siège de Marcon que Geoffroy est mort le 21 juillet 987.
Geoffroy Grisegonelle et les liens féodaux
Geoffroy Grisegonelle exploite en sa faveur les liens féodaux. Il profite du mouvement général d'effritement des pouvoirs centraux et régaliens sans pour autant laisser ses vassaux développer leur pouvoir aux dépens des siens. Il détient à part entière le pouvoir judiciaire qui lui donne le controle des individus et est une source de revenus. Il crée et impose, en fonction de ses besoins, des taxes sur ses sujets.
Il est en position de vassal vis à vis du Roi Lothaire, de son Suzerain Hugues Capet. Pendant la première période de son règne, Geoffroy essaie de minimiser l'influence de Hugues grace en particulier à l'influence du Roi Lothaire et à son alliance avec Thibault de Blois. Ainsi il participe et soutient Thibault de Blois et Lothaire dans leur lutte contre le Duc Richard de Normandie. En 978 il participe à la campagne conduite par Lothaire avec Hugues Capet contre Otton II Empereur d'Allemagne à la fois lors de la chevauchée vers Aix la Chapelle puis pour faire lever le siège de Paris.
La mort de Thibault de Blois et l'aggressivité de son fils et successeur, Eudes I, conduit Geoffroy à se rapprocher de Hugues Capet dès le début des années 980.
Ses relations avec Guillaume Fier à Bras Comte de Poitiers sont complexes. En particulier la reconnaissance de Guillaume comme Suzerain ne concerne que les domaines Poitevins et permet à Geoffroy d'avoir une officialisation de ses conquetes par les armes, pour tout le reste Geoffroy est autonome vis à vis de Guillaume.
Geoffroy est en position de Suzerain vis à vis des Seigneurs Angevins et de nombreux SeigneursTourangeaux. S'il délègue certains pouvoirs locaux à ses fidèles il conserve pour autant la maitrise de toutes les affaires importantes et ces délégations sont faites à titre temporaire et peuvent toujours etre reprises.
Geoffroy est aussi le Suzerain du Comte de Nantes. Le controle de Nantes étant très sensible, Geoffroy utilise tous les moyens pour maintenir sa tutelle, en sens inverse le Comte de Nantes utilise tous les moyens pour en sortir.
Ses relations avec le Comte du Maine et les Vicomtes de Thouars sont encore plus complexes. Le Comte du Maine relève en fait directement de Hugues Capet et dans le Maine Geoffroy conduit en fait une politique d'infiltration.
Les Vicomtes de Thouars sont avant tout vassaux des Comtes de Poitiers mais le lien avec les Comtes d'Anjou leur permet de jouer un jeu d'équilibre entre ces deux tutelles.
Les relations de Geoffroy avec l'Eglise
En 962, peu après son arrivée au pouvoir, Geoffroy fait un pélerinage à Rome et à son retour il fait rebatir la Collègiale Notre Dame de Loches où il dépose une relique: la ceinture de la Vierge.
Avec l'aide de son frère Guy (qui devient Eveque du Puy), Geoffroy participe au mouvement de réforme ecclésiastique de la fin du Xème siècle, il introduit la règle de Saint Benoit dans les établissements sous son influence: les Abbayes de St Aubin d'Angers, Cormery, St Sauveur de Villeloin et St Pierre de Ferrières.
Il renforce le pouvoir et la richesse de ces maisons, par la meme occasion il en profite car il garde le controle des ressources de ces monastères. Il intervient de manière déterminante dans le choix des Abbés et des principaux responsables de ces Abbayes.
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